Gespiegelte Fassung der elektronischen Zeitschrift auf dem Publikationsserver der Universität Potsdam, Stand: 5. Januar 2015
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HiN - Internationale Zeitschrift für Humboldt-Studien (ISSN: 1617-5239)

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Eberhard Knobloch

Alexandre de Humboldt et le Marquis de Laplace

 

 

Introduction

Pierre-Simon Marquis de Laplace joua un rôle éminent dans la vie scientifique d’Alexandre de Humboldt. Humboldt avait fait la connaissance du savant français qui avait vingt ans de plus que lui-même à Paris en 1798. Si l’on n’étudie pas seulement leurs œuvres, mais aussi leurs correspondances et le journal américain d’Humboldt, on en conclut qu’il faut réviser l’impression superficielle qui se dégage des publications d’Humboldt. L’estime réciproque entre les deux hommes ne se mit en place que progressivement et certaines réserves persistèrent toujours dont Humboldt, en public, ne parla jamais.

L’article présent voudrait examiner la relation entre ces deux géants de la science en s’appuyant entre autre pour la première fois sur des documents inédits : les quatre lettres de Laplace à Humboldt, le journal d’Humboldt et sur le matériel d’archives conservé aux Archives de l’Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg. Je voudrais remercier Patricia Radelet-de Grave et Jan Vandersmissen qui se sont occupés de la publication de la correspondance de Laplace depuis la mort de Roger Hahn de m’avoir permis de citer cette édition lorsqu'elle était encore sous presse. Je voudrais remercier également la directrice des Archives de l’Académie des Sciences de Berlin-Brandebourg, Vera Enke, de m’avoir permis d’utiliser le matériel qui y est conservé, et Ulrike Leitner qui a attiré mon attention sur le journal américain d’Humboldt.

1 Des affaires humaines – des affaires trop humaines

Le deuxième séjour parisien d’Humboldt n’a duré que cinq mois et demi, du 12 mai au 20 octobre 1798. En ce temps-la, il était membre de l’Académie Leopoldina depuis cinq ans (il y fut élu le 20 juin 1793). À Paris, il se plongea immédiatement dans la vie intellectuelle de l’Académie des Sciences. Dans ses Confessions qu’il avait commencé à écrire à Bogotá au mois d’août 1801, il écrivit rétrospectivement :[1]

Je restai à Paris depuis Mai à Septembre 1798, travaillant en chimie sous M. Vauquelin, et liant connaissance avec tous les savants distingués, jouissant surtout de l’amitié plus intime de MM. Cuvier, Delambre, Laplace, Desfontaines, Vauquelin, Fourcroy, Guiton, Jussieu.

Si l’on fait abstraction de l’indication peu précise de temps, on est porté à croire que ces Confessions autobiographiques sont une évaluation honnête et digne de confiance (au passage, observons qu’il ne souhaitait pas les publier : il l’avait fait savoir expressément en 1839). Une année plus tard, le 25 novembre 1802, Humboldt écrivit en effet une lettre assez semblable de Lima à Delambre :[2]

Dans les déserts des plaines de l’ Apure, dans les bois épais du Casiquiare et de l’ Orénoque, partout Vos noms m’ont été présent et parcourant les différentes époques de ma vie errante, je me suis arrêté avec jouissance à celle de l’an 6 et 7 où je vivais au milieu de Vous et où les La Place, Fourcroy, Vauquelin, Guyton, Chaptal, Jussieu, Desfontaines, Hallé, Lalande, Prony et Vous surtout, âme généreuse et sensible, dans les plaines de Lieusaint me comblâtes de bontés. Recevez tous ensemble l’hommage de mon tendre attachement et de ma reconnaissance constante!

La période est indiquée correctement. L’année VI du calendrier révolutionnaire français s’étendait du 22 septembre 1797 au 21 septembre 1798. Laplace est mentionné, comme on le voit, en premier. Aucun hasard en cela : Humboldt avait fait savoir à Delambre dans cette lettre qu’il avait reçu les deux volumes de la Mécanique céleste qui étaient alors parus, volumes qu’Humboldt admirait énormément. Un peu plus tard, il mentionna à Delambre l’immortel La Place,[3] epitheton ornans qu’il utilisa aussi dans ses grandes œuvres, par exemple dans l’Asie centrale[4] ou – à maintes reprises – dans le Kosmos[5] et qu’il a transféré dans ses carnets américains de l’auteur à son œuvre. On y lit :[6] « Enfin Nov. 1802 j’ai vu pour la première fois l’ouvrage imortel ( !) de Laplace ». Il nous faudra y revenir.

Dans ces lettres d’Amérique, Humboldt priait régulièrement ses partenaires, et pas seulement Delambre,[7] mais aussi Antoine François Comte de Fourcroy[8] ou Antoine-Laurent de Jussieu,[9] de saluer les autres collègues français, en particulier Laplace.

Il faut pourtant signaler une remarque qui ne cadre pas parfaitement avec ces manifestations d’affection. Immédiatement après son retour à Paris le 27 août 1804, Humboldt recommença à donner des conférences et reprit sa coopération scientifique avec ses collègues français à l’Institut ; peu avant son arrivée, le 6 février 1804, il avait élu membre correspondant de la Section de Physique générale de la première classe de l’Institut. Le 14 octobre, il décrivit sa grande joie à son frère Wilhelm :[10]

Ici, je travaille beaucoup et heureusement. La gloire est plus grande que jamais. C’est une façon d’enthousiasme… Tous les membres de l’institut ont vérifié mes dessins manuscrits et collections. Et on a jugé à l’unanimité que chaque partie a été traitée tant soigneusement comme si je ne m’étais occupé qu’avec cette partie. En particulier Berthollet et Laplace qui étaient autrefois mes adversaires sont maintenant les plus enthousiastes.

Quelle période est entendue dans cet autrefois ? Humboldt ne dit pas d’abord ce qui indiquerait clairement le temps suivant son retour. Et en fait, cela est peu imaginable étant donné qu’il fut élu membre de l’Institut dont les deux « adversaires » redoutables faisaient partie. En outre, on lit dans sa préface de l’Essai sur la géographie des plantes qu’il a écrit à Rome au mois de juillet 1805 :[11]

C’est dans la revue de ces ouvrages, dont je m’occupe depuis mon retour de Philadelphie, que j’ai eu à recourir souvent aux hommes célèbres qui m’honorent de leurs bontés. M. Laplace, dont le nom est au-dessus de mes éloges, a bien voulu marquer l’intérêt le plus flatteur tant pour les travaux que j’ai rapportés que pour ceux auxquels j’ai cru me devoir livrer depuis mon arrivée en Europe. Éclairant et vivifiant, pour ainsi dire, par la force de son génie, tout ce qui l’entoure, sa bienveillance m’est devenue aussi utile qu’elle l’est pour tous les jeunes gens qui l’approchent.

Si c’est une jouissance pour moi de lui payer le tribut de mon admiration et de ma reconnoissance, l’amitié m’engage à remplir des devoirs non moins sacrés. 

Si les quelques semaines après son retour ne sont pas concernées, ne reste que l’éventualité du premier séjour de cinq mois à Paris en 1798. On peut remarquer que Humboldt avait coopéré avec le chimiste Vauquelin et pas avec Berthollet à ce moment-là, le nom de ce dernier ne se trouvant d’ailleurs pas dans ses Confessions pour cette période ou dans les lettres d’Amérique. De toute façon, cet épisode semblait oublié lorsqu’en 1807 Berthollet et Laplace fondèrent la Société d’Arcueil dans la ville d’Arcueil en banlieue parisienne, où, très tôt, ils admirent Humboldt comme membre. Le 27 juillet 1834, Humboldt écrivait à Bessel qu’avoir vécu en contact étroit avec des sommités intellectuelles comme Laplace restait pour lui un événement exaltant.[12]

Humboldt et Bonpland dédièrent à Laplace leur reportage sur leur voyage qui restait à l’état fragmentaire, à savoir leur Relation historique. On lit dans le premier volume qui parut en 1814 :

À l’Illustre auteur de la Mécanique céleste, P. S. de La Place comme un foible hommage d’admiration et reconnoissance. A. de Humboldt  A. Bonpland 

Évidemment, Humboldt lui envoya l’ouvrage en 1825, c’est-à-dire après la parution du troisième volume, étant lui-même à Paris à ce temps-là. Laplace l’en remercia le 25 août 1825, mais seulement en réponse à une lettre de Humboldt vérifiant la réception. De toute façon, Laplace parla d’un « grand ouvrage et de la lettre très flatteuse qui l’accompagnait », mais pas spécifiquement du troisième volume. Il envoya en revanche à Humboldt le cinquième et dernier volume de sa Mécanique céleste qui venait de paraître[13].

De plus, lorsqu’en 1821 Laplace avait publié le cinquième livre de l’Exposition du système du monde comme un livre indépendant sous le titre Précis de l’histoire de l’astronomie, il l’avait déjà dédié à Humboldt en écrivant :[14]

À Monsieur de Humboldt, Comme un faible hommage d’estime et de reconnaisance pour ses travaux importans dans les diverses branches de la Philosophie naturelle, et spécialement pour son Voyage aux parties équinoxiales du Nouveau Continent, P. S. de Laplace. 

Malgré la haute estime manifestée publiquement pour le scientifique Laplace, Humboldt n’était pas dupe de ses faiblesses, mais ne mentionna de telles remarques que dans des lettres privées. Lorsque Laplace était à l’article de la mort, Humboldt écrivit à Gauss le 16 février 1827 :[15]

Avec lui une grande - je ne dois pas dire la dernière - gloire mathématique de France disparaît parce qu’il réunissait avec son talent mathématique (que peut-être Poisson, Fourier et Cauchy partageaient avec lui) une connaissance très étendue et une culture de la langue qui était bien plus noble que son caractère. 

Il y a là une allusion claire à l’opportunisme politique de Laplace qui lui permit de survivre aux multiples changements de régime de la période et de mener sa carrière sans encombre. Le 26 décembre 1846, Humboldt mentionna également une opinion réservée à Jacobi qui, de toute façon, considérait Laplace d’un œil critique :[16]

Car les longues fréquentations avec Lagrange, Laplace et Fourier m’ont inspiré quelques facultés de pressentir la valeur relative de mes contemporains. 

Dans son texte au roi Frédéric Guillaume IV, Humboldt louait le même Jacobi en disant qu’il :[17]

… avait une qualité que ni Lagrange ni Laplace ni Cauchy ne montraient, l’avantage en plus d’une solide connaissance des études les plus approfondies des langues classiques. 

2 Des communautés académiques

De même que Humboldt, Laplace fut élu membre d’une académie importante à vingt-quatre années : il devint associé à l’Académie des Sciences le 31 mars 1773. Mais avant l’élection couronnée de succès, il y avait fait plusieurs essais malheureux pendant trois ans malgré l’appui de d’Alembert. Au lieu de Laplace, d’autres candidats furent élus comme Alexandre Vandermonde, Jacques Cousin et Nicolas Desmarest. En 1772, Laplace était tellement contrarié de cette situation qu’il s’efforça de voir s’il pouvait aller en Russie ou en Prusse. Lalande écrivit à Euler à St. Pétersbourg et d’Alembert à Lagrange à Berlin à ce sujet.

Le 22 octobre 1838, la veuve de Laplace donna à Humboldt une lettre de Lagrange à son mari du 15 mars 1773. Humboldt la fit publier immédiatement dans le journal de Crelle[18] et il attira en particulier l’attention de Gauss sur cette lettre.[19] Lagrange écrivit avec sympathie à Laplace :[20]

Je suis charmé de voir par votre lettre que vous conserviez le dessein de venir ici : je souhaite de tout mon cœur que vous puissiez l’exécuter, et je serais très flatté de pouvoir y contribuer en quelque chose…De mon côté je serais enchanté de pouvoir lier avec vous une connaissance plus intime, et votre amitié sera pour moi un avantage auquel je serai toujours infiniment sensible. 

Le fait que l’Académie de Berlin avait été sur le point de réunir « les deux grands hommes dans son giron » semblait à Humboldt d’autant plus remarquable que Laplace ne l’avait jamais mentionné pendant leurs conversations. Ce que Lagrange avait dit à Humboldt sur Laplace et qu’Humboldt communiqua à Gauss le 18 juin 1839 paraît cependant moins flatteur :[21]

Le grand Géomètre sait donner un seul coup et la porte est ouverte. Mr. Laplace donne successivement de petits coups : il en donne trois ou quatre. La porte ne cède qu’un peu et l’on voit mal ou rien par une porte à moitié ouverte ! 

Cela veut dire, si l’on renverse la conclusion de Lagrange, que celui qui ne peut pas ouvrir la porte d’un seul coup n’est aucunement un grand géomètre, ce qui est un peu un comble. Humboldt parle sur un moment d’agacement et de mauvaise humeur.

À vrai dire, Laplace ne vint pas à Berlin, mais grâce à Humboldt, il fut élu membre étranger de l’Académie de Berlin, d’une façon originale. Le 17 juillet 1800, Humboldt avait été élu membre extraordinaire de l’Académie de Berlin. Une affiliation ordinaire exigeait la présence du candidat et il se trouvait à ce moment-là à Nueva Barcelona, c’est-à-dire à Barcelona (aujourd’hui au Venezuela). Le 19 novembre, immédiatement après son retour à Berlin qui avait eu lieu le 16 novembre 1805, l’affiliation extraordinaire de Humboldt fut changée en une affiliation ordinaire.[22] Humboldt était alors en contact épistolaire avec Laplace. Une lettre de Laplace du 8 mai 1806 présente un échange d’informations, d’écrits et d’assurances de haute estime réciproque[23]. Un peu plus tard, Humboldt avait élaboré trois mémoires sur la situation et la réorganisation de l’Académie. Le premier du 25 juillet 1806 s’occupait des membres étrangers.[24] En se référant toujours à l’Académie des Sciences de Paris, Humboldt critiquait énergiquement la situation déficiente de Berlin à cet égard. Il cita Laplace quatre fois parmi les savants étrangers qui n’étaient pas des membres de l’Académie de Berlin, et cela toujours en première position :

Mais parce que même les hommes les plus fameux de notre siècle comme Laplace,… Gauß… ne sont pas des membres étrangers de notre académie, il est très difficile d’en élire quelques autres. 

Humboldt expliquait qu’il n’y avait aucune académie dans le monde où la liste des membres étrangers reflétait aussi mal l’état de la connaissance humaine que l’Académie de Berlin. Laplace figurait au début de sa liste des astronomes et des mathématiciens étrangers qu’il fallait élire. Il était en outre nécessaire d’admettre beaucoup de membres :

Celui qui connaît l’état des sciences ne se pensera pas déshonoré s’il se trouve près de Laplace, Berthollet, Banks, Piazzi. 

En constatant ce grave défaut, on aurait pu, disait Humboldt, soupçonner que l’Académie vivait sans connaître les progrès de la connaissance humaine à l’extérieur des murs de Berlin :

À l’exception de Herschel et de Lagrange, les premiers des astronomes et des mathématiciens manquent, Laplace et Piazzi manquent. 

Evidemment, autant de critique et d’ironie ne plut guère au directorat de l’Académie qui avait le pouvoir de décision. La note laconique figurant dans le dossier se contente de mentionner qu’il fallait « barrer les membres étrangers morts depuis longtemps ».

Peut-être la situation politique joua-t-elle aussi un rôle. La Prusse était près de l’effondrement militaire. Le 27 octobre 1806, Napoléon entra dans Berlin après sa victoire près de Jena et Auerstedt. La situation n’allait donc guère dans le sens de la proposition de Humboldt. L’Académie établit une commission de réforme dont Humboldt devint membre le 20 octobre 1807. Les 2 et 4 novembre Humboldt rédigea deux autres mémoires,[25] mais quitta Berlin dès le 13 novembre pour s’installer à Paris où il resta vingt ans. Il avait recommandé à l’Académie de se servir du français au lieu du latin dans les correspondances avec des sociétés étrangères.

Une année plus tard cependant la situation avait vraiment changé. Le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire des membres de l’Académie de Berlin à laquelle Humboldt ne put participer à cause de son séjour parisien mentionna comme cinquième point :[26] « Quels sont les nouveaux membres honoraires à élire ? »

On tomba d’accord sur le fait que chacune des quatre classes proposerait un candidat pour lequel l’assemblée générale devait procéder au vote. La classe de physique proposa Abraham Gottlob Werner de Freiberg et la classe mathématique Laplace. Werner fut élu à l’unanimité, Laplace avec un vote contraire. Le résultat des élections fut publié en assemblée publique le 4 août dont le procès-verbal mentionnait expressément l’absence de Humboldt :[27] « Elle (l’Académie) a élu membres honoraires :…Mr. de la Place à Paris. »

Laplace envoya une lettre de reconnaissance, qui n’existe plus à Berlin, et qui fut lue lors de l’assemblée du 13 octobre 1808.[28] Le 2 août, l’Académie avait décidé de ne pas demander confirmation au roi avant la proclamation des résultats ce qui aurait du être impérativement fait. Frédéric Guillaume III se trouvait à Königsberg dans sa fuite devant Napoléon et ne put que donner son accord au résultat :[29]

Sa Majesté Royale de Prusse voit par une annonce du 5 du mois que l’Académie des Sciences à Berlin a élu tous les membres extraordinaires de ce lieu membres ordinaires, mais l’impérial directeur général français Daru, le conseiller privé de légation de Humboldt, le conseiller des mines Werner, l’astronome Laplace à Paris, le président Jacobi à Munich et le marchand de livres d’occasion, le conseiller privé Uhden membres honoraires et étrangers. Sa majesté approuve là-dessus ces élections et aussi pour cette fois qu’elles ont été publiées tout de suite sans demander préalablement Son approbation conforme aux instructions. Königsberg, le 15 août 1808, Frédéric Guillaume 

L’Académie avait parlé de membres honoraires, le roi parlait de membres honoraires et étrangers. Il s’agissait en fait exclusivement des derniers et la dénomination n’était pas uniforme. Le « Humboldt » mentionné dans l’écrit royal était le frère aîné d’Alexandre, Guillaume, qui était à Rome en ce temps-là.

On voit donc que le jeu de Humboldt en faveur de Laplace fut finalement couronné de succès alors qu’il était installé depuis longtemps à Paris. En retour, le 14 mai 1810, Humboldt fut élu un des huit membres étrangers (associés étrangers) de l’Académie des Sciences de Paris.

3 Les ouvrages immortels de Laplace

3.1 L’Exposition du système du monde

En 1796, Laplace fit paraître son Exposition du système du monde pour la première fois, c’est-à-dire trois années avant qu’il commence à publier sa Mécanique céleste. Il se proposait expressément l’objectif d’expliquer d’une manière aussi simple que possible les découvertes que l’esprit humain avait faites en astronomie. Cela avait le double avantage, disait-il, de démontrer de nombreuses vérités importantes et la vraie méthode qu’on doit appliquer en recherchant les lois de la nature.[30] L’ouvrage s’appuyait sur des cours que Laplace avait donnés dans l’année précédente au Muséum National d’Histoire Naturelle.[31]

Humboldt possédait la cinquième édition qui parut en 1824.[32] Il faisait publiquement de grands éloges de cet écrit. On lit dans un passage souvent cité du premier livre de son Kosmos :[33]

Nos voisins de l’autre côté du Rhin possèdent un ouvrage immortel, à savoir l’Exposition du système du monde de Laplace dans lequel les résultats des plus profondes recherches mathématiques et astronomiques de siècles passés sont exposées étant séparées des détails des démonstrations. 

En fait, l’Exposition, qui met en évidence la loi générale de gravitation, les recherches des causes et qui essaie de réduire la variété infinie des phénomènes à un petit nombre de lois générales, a servi de modèle pour la philosophie des sciences de Humboldt.[34] Mais, qui plus est, la méthode de Laplace s’efforçait d’atteindre une théorie qui s’appuyait exclusivement sur une loi.[35] Humboldt qualifiait l’Exposition d’immortelle à l’instar de la Mécanique céleste. Il avoua rétrospectivement et clairement dans le dernier volume du Kosmos :[36]

Je souhaitais donner un ouvrage d’après le grand modèle de l’Exposition du système du monde de Laplace. J’ai eu le bonheur de vivre plus de vingt années à proximité intéressante de lui à Arcueil et au Bureau des Longitudes à l’observatoire de Paris, avec Gay-Lussac et Arago. 

En conséquence, Humboldt cite souvent le traité dans son propre ouvrage. La méthodologie du français est présente dans sa propre pratique scientifique même s’il ne le cite pas nommément : trouver les lois des processus de la nature, expliquer les changements de la matière au moyen de causes naturelles, c’est-à-dire au moyen de l’activité de la matière elle-même,[37] en parfait accord avec l’opposition de Laplace aux partisans des causes finales.[38]

Si Humboldt soutient avec énergie la méthode des valeurs moyennes, on reconnaît son modèle dans l’Exposition. Laplace y donne d’innombrables exemples d’états moyens ou de valeurs moyennes, de la moyenne densité de la terre, de la profondeur moyenne de la mer, de la hauteur moyenne des continents, de la moyenne des accroissements de chaleur, des moyens mouvements des planètes et ainsi de suite.[39]

Cependant, tout n’est pas pour autant limpide. Humboldt portait un jugement nettement plus défavorable dans sa correspondance avec Friedrich Wilhelm Bessel, en d’autres mots avec le concurrent que Laplace avait soutenu quand Bessel fut élu membre correspondant de l’Académie des Sciences.[40] Presque mourant, Laplace l’avait appelé « le premier de tous les astronomes qui vivent maintenant ».[41] Il était clair, écrivit Humboldt à Bessel le 22 mars 1844 – c’est-à-dire seulement une année avant la parution du premier volume du Kosmos avec l’éloge du même ouvrage – que Bessel s’intéressait plus à exposer la possibilité de la connaissance, l’esprit de méthodes rigoureuses qu’à donner seulement les simples faits comme dans l’Exposition du système du monde de Laplace :[42]

Ce qui est écrit sur les méthodes dans l’Exposition est médiocre. Et il est peu utile de donner des formules à l’aide de mots et de façons de parler. Ce n’est qu’une petite tromperie si tout le raisonnement précédent ne motive pas la formule de mots.

Ce point est véritablement impressionnant, puisque la discussion des méthodes était un des plus grands objectifs de Laplace. D’après Humboldt, Laplace a de beaucoup manqué cet objectif. Bessel se montrait quant à lui plus réservé. Il louait le pas crucial que Laplace avait fait en passant de la cause d’un phénomène au phénomène lui-même.[43] Mais il était méfiant à l’égard de l’assurance avec laquelle Laplace expliquait la proportionnalité entre la masse et l’attraction dans l’Exposition comme nécessaire,[44]

parce qu’il est bien connu que rien n’est plus désespéré que de chercher de fausses opinions de Laplace. Un dieu puissant en lui l’a orienté vers la vérité comme l’aiguille par le magnétisme de la terre. Il peut arriver que toutes les béances de son chemin ne soient pas toujours fermement comblées. Mais il parvient toujours au bout de sa démarche. Celui qui voudrait présenter le dieu qui habitait Laplace devrait mesurer soigneusement les profondeurs et les étendues de ces béances et montrer ensuite qu’elles ne le décontenançaient pas le moins du monde.

C’est en fait une idée malicieuse de la part de Bessel d’attribuer une aide divine à Laplace qui se déclarait franchement partisan de l’athéisme. En tout cas, Laplace n’avait pas hésité à placer – consciemment ou inconsciemment – en tête du cinquième livre de son Exposition, au Précis de l’histoire de l’astronomie, une citation tirée de la Bible,[45] le fameux verset sur la page de titre de l’Instauratio magna de Francis Bacon qui était paru à Londres en 1620 : « Multi pertransibunt et augebitur scientia » ( Beaucoup de gens vont traverser et la science sera augmentée), version un peu modifiée d’une maxime du prophète Daniel :[46] « Plurimi pertransibunt et multiplex erit scientia » ( Bien des gens vont traverser et la science sera diverse).

Humboldt envoya une copie du premier volume de son Kosmos qui parut en 1845 à son conseiller quant à l’astronomie, à savoir Bessel. Bessel pouvait y lire l’éloge humboldtien de l’Exposition. Le 1er novembre 1845, Bessel l’en remercia et avoua qu’il s’était trompé en ce qui concernait le genre de l’ouvrage de Humboldt. Il avait pensé, disait-il, à une Exposition. Il comprenait mieux désormais l’intention de Humboldt :[47]

Votre Kosmos est à une Exposition à peu près comme une image du maître romain à une table de Scarpa. 

Antonio Scarpa était un chirurgien italien qui avait pratiqué l’anatomie et Bessel voulait mettre ainsi en évidence la richesse du contenu de ce volume du Kosmos. Il envisagea lui-même d’écrire une Astronomie populaire sous le titre Entretiens et avait dû abandonner ce projet à cause de la grave maladie qui l’emporta.

3.2 La Mécanique céleste

Lors de l’an VII – du 22 septembre 1798 au 21 septembre 1799 – Laplace publia les deux premiers volumes de sa Mécanique céleste : l’impression avait commencé au mois d’octobre 1798 et les volumes parurent en été 1799.[48] Au mois de novembre 1802, Humboldt les vit pour la première fois. À ce moment-là, il se trouvait à Lima ou dans la ville portuaire voisine de Callao depuis le 23 octobre. Il le rapporta dans son journal intime[49] et plus brièvement dans sa lettre à Delambre du 25 novembre 1802.[50] Déjà en 1803 une version allemande de cette lettre avait paru dans le Neue Berliner Monatsschrift.[51] Les textes sont très semblables, mais ils ont aussi des différences intéressantes qui méritent d’être mises en évidence. On lit dans le journal :

Enfin Nov. 1802 j’ai vu pour la première fois l’ouvrage imortel ( !) de Laplace (la Mécanique céleste Vol. I) que le savant marin Isalvirivil nous porta dans la Frégatte La Ruffina. Il fallait donc 5 ans avant que ce chef d’œuvre a pu entrer dans la mer du Sud par le Cap Horn. Je l’ai parcouru avec une avidité sans bornes, mais hélas! hérissé de différent d’un ordre supérieur j’ai pleuré mon ignorance. D’autres occupations depuis 9 ans m’ont éloigné de l’Analyse et je ne puis plus suivre ces Calculs. Je l’ai regardé comme un Code curieux dans lequel on n’entend que par-ci par-là quelques mots, qui vous rendent plus impatiens encore de connaître le tout. 

Donc, Humboldt parle d’un ouvrage immortel en se référant seulement au premier volume bien qu’il dépouillât ensuite les deux volumes ; de plus il se trompe en parlant de cinq au lieu de trois années écoulées depuis la parution des deux volumes. Dans la lettre il écrit de façon plus juste :

Enfin après 3 ans d’attente nous est arrivé (Nov. 1802) la Mécanique céleste de l’immortel la Place. Je me suis jetté dessus avec une avidité sans bornes... Je regarde la Mécanique comme un Code précieux dans lequel je n’entends que par-ci par-là quelques mots qui augmentent mon impatience et qui me font pleurer de ma stupidité. 

Il parla en outre de l’immortel Laplace comme usuellement dans sa correspondance avec Delambre.[52] On notera que le code curieux y a été remplacé par un code précieux. Le qualificatif de code, c’est-à-dire un livre qui rassemble des lois, correspond bien au but de Laplace de présenter les lois de la nature.

Ce n’est certainement pas par hasard que Humboldt se plaint de son ignorance mathématique – sauf avec Jacobi[53] – précisément avec Delambre. Avant Alexis Bouvard, Delambre était le savant qui avait exécuté les calculs de la Mécanique céleste pour Laplace.[54] À vrai dire, Humboldt ne s’est pas contenté de cette plainte et, à partir de l’automne 1825, Marie Constant Duhamel lui donna des cours particuliers en physique mathématique pendant dix-huit mois.

Humboldt s’intéressait en particulier aux explications de Laplace sur les mesures barométriques de hauteurs. Tandis qu’il citait et discutait quatre passages dans le journal,[55] il se limitait dans la lettre au fait surprenant pour lui que ses formules barométriques s’étaient appuyées sur le faux principe que sous toutes les latitudes « les couches d’air de même densité sont également élevées ». Laplace avait démontré que la quantité doit entrer dans le calcul et ne doit pas être négligée, où r’ est la longueur de rayon de la terre comprise entre la surface de la mer et une molécule d’air élevée au-dessus, h’ la longueur du pendule à la surface de la mer sous l’équateur et h cette longueur à la latitude de la molécule aérienne que l’on considère. Pour Laplace on avait là une preuve que la latitude doit entrer dans le calcul barométrique des montagnes. Plein d’admiration Humboldt avait ajouté :[56]

Je ne doute pas…que le C. la Place dont le génie créateur a dompté les marées de la mer, découvrira les loix des marées de l’air, lorsque je lui fournirai quelques milliers d’observations horaires. C’est une des applications des plus élégantes des loix de gravitation. 

Dans le remaniement allemand de son Essai sur la géographie des plantes qui parut en 1807 sous le titre Ideen zu einer Geographie der Pflanzen Humboldt n’appelait plus la Mécanique céleste un ouvrage immortel, mais un chef-d’œuvre.[57] Dans l’Essai il mentionnait que « M. Laplace a calculé l’effet de cette influence du soleil et de la lune sur l’océan aérien ».[58] Mais même cette évaluation plus prudente ne restait pas sans ombrage. Nous avons déjà parlé de l’évaluation de Lagrange qui avait coutume de dire à Humboldt comme celui-ci l’écrivit à Gauss en 1839 :[59] « On ne voit clair que par une porte complètement ouverte. » Mais Lagrange n’était pas le seul qui ait critiqué Laplace. En 1830, trois années après la mort de Laplace, Jacobi avait déploré l’état pitoyable de la théorie des perturbations dans la Mécanique céleste et cela au grand regret de l’Académie des Sciences comme il l’écrivit à Humboldt à la fin de l’année 1846. C’est un livre très inégalement élaboré, disait-il, chose inévitable vu qu’il importait à Laplace surtout de parler de tout d’une façon quelconque.

Jacobi critiquait en particulier le manque de méthode indiquant comment on pouvait dépasser le cas échéant la précision fournie par l’auteur, chose qui lui semblait primordiale pour considérer qu’un tel livre traitait son sujet d’une manière qui était vraiment scientifique. « Mais parce qu’il n’a rien fait parfaitement Lagrange pouvait lui reprocher d’avoir gâté les recherches. »[60]

En d’autres mots, précisément trois années après que Humboldt avait critiqué personnellement l’Exposition en disant que ses explications sur les méthodes étaient médiocres, Jacobi critiquait la Mécanique céleste pour la même raison. Au contraire, Bessel se contenta d’observer dans sa lettre à Humboldt du 1er novembre 1845 que Laplace croyait par erreur que l’astronomie se trouvait dans un état de perfection finale.[61]

4 La formule barométrique

Humboldt était toujours à la recherche de nombres fiables, en tant que chercheur sur le terrain, aussi bien qu’en tant qu’écrivain. Le 20 décembre 1828, il écrivit avec trop d’optimisme à Bessel qu’il commencerait bientôt l’impression du Kosmos en ajoutant : « Je prends le plus souvent les nombres de Laplace, Delambre et Littrow (l’Astronomie populaire), le dernier est une source douteuse. »[62] D’innombrables citations et remarques dans les œuvres de Humboldt prouvent dans quelle mesure il a trouvé des suggestions méthodiques et du contenu dans les deux ouvrages de Laplace. Il n’a cependant pas toujours adopté ses opinions, soit qu’il s’agissait de la nature des comètes, soit de la hauteur moyenne des continents ou de la position calculée de la lune de sorte qu’elle devait être toujours lumineuse.[63]

Pourtant le plus souvent, il emprunta à Laplace d’importants résultats, comme l’aplatissement de la lune et des planètes, la densité moyenne de l’eau de mer, la chaleur moyenne du corps de la terre ou la conviction qu’il a y des masses non lumineuses dans l’univers.[64]

Mais avant tout, il s’intéressa à la formule barométrique de Laplace pour déterminer des hauteurs parce qu’il avait déterminé lui-même des hauteurs dans d’innombrables cas au moyen de la trigonométrie ou d’un baromètre, en particulier lorsqu’il essayait de monter sur le Chimborazo. De même, il manifestait un intérêt majeur pour toutes les explications de Laplace qui concernaient les changements et les propriétés de l’atmosphère - de la mer d’air comme il le disait.

Déjà ses remarques écrites dans son journal du Pérou au mois de novembre 1802 traitaient de ces problèmes et avaient engendré les questions ouvertes présentées dans sa lettre à Delambre du 25 novembre de cette même année. En raison de la nouvelle formule, les déterminations barométriques de hauteurs que Humboldt avaient pratiquées jusqu’à ce moment-là devenaient fausses. Dorénavant, il signala à plusieurs reprises dans ses travaux, dans son Essai sur la géographie des plantes,[65] dans sa Relation historique,[66] dans ses deux rappports sur l’ascension du Chimborazo,[67] dans le Kosmos,[68] mais plus particulièrement bien entendu dans le Recueil d’observations astronomiques, d’opérations trigonométriques, et de mesures barométriques[69] que la formule de Laplace et de Ramond était à la base de ses indications de hauteur. Elle lui rendait possible une exploitation fiable de ses indications de mesure,[70] de la façon suivante.

Soient t’, T’ les températures de l’air et du mercure à la station supérieure, h’ la hauteur du baromètre ; soient t, T les températures de l’air et du mercure à la station inférieure, h la hauteur du baromètre ; soient y la moyenne latitude de ces stations et a le rayon de la terre. La différence r entre les deux hauteurs des stations peut être calculée au moyen de la formule suivante de Laplace corrigée par Ramond[71] et Oltmanns :[72]

r = 18336m(1+0,0028371cos2y)(1+)[(1+)log()+0,868589] ,

H = h’+h’()

C’était la première formule barométrique complète qui comprenait les températures du mercure, de l’air, la latitude géographique et la diminution de la gravité. Le premier facteur constant est la constante barométrique qui exprime toutes les constantes intervenant dans l’équation, et les facteurs suivants expriment le changement de la pesanteur dépendant de la latitude et de la hauteur, l’étendue de l’air et la hauteur mesurée du baromètre en prenant en considération la correction de la pesanteur.

À l’origine Laplace avait donné une suite de procédures au 14e chapitre de son Exposition «qui procèdent comme la théorie, et se développent comme le raisonnement»[73]. Ramond démontra dans sa conférence du 7 décembre 1804 à l’Académie des Sciences que la constante barométrique était choisie trop faible et qu’il fallait l’augmenter d’un quarante-deuxième pour obtenir la valeur 18393 mètres. Cette valeur était valable pour une hauteur d’environ 3000 mètres et pour une latitude de 45°. La réduction à la hauteur de la mer donnait 18336 mètres. Malheureusement Ramond avait calculé un faux facteur de cos2y, à savoir 0,002845.

Laplace adopta la nouvelle formule[74] dans le quatrième volume de la Mécanique céleste qui était justement en train de paraître en s’appuyant sur Ramond.[75] Oltmanns en corrigeant la valeur se borna à mentionner qu’on trouve le faux coefficient 0,002845 dans la plupart des œuvres qui citent la formule de Laplace sans identifier les auteurs par leurs noms. En 1811, Ramond accepta le calcul de Oltmanns dans la réédition de ses quatre mémoires correspondants.[76] Il indiqua que Humboldt n’avait pas voulu vérifier la formule et qu’il aspirait lui-même à une plus grande précision que Humboldt. Gaspard de Prony, ajouta-t-il, avait simplifié le calcul. Cependant ses résultats étaient presque identiques avec les résultats produits par le calcul rigoureux. Le même Prony, ajoutait Humboldt, avait calculé de cette manière «un grand nombre de mes observations barométriques» et a fait «calculer sous ses yeux plus de quatre cents de mes mesures de hauteur» pour la publication dans l’Essai sur la géographie des plantes.[77] Par conséquent, la remarque dans la version allemande Ideen zu einer Geographie der Pflanzen induit en erreur :[78] « Eben derselbe (sc. Prony) hat mit der gefälligsten Bereitwilligkeit die Berechnung von mehr als vierhundert [Höhen] Messungen übernommen. » (« Le même a calculé très volontiers plus de quatre cents mesures [de hauteur] »). Prony n’a en fait pas calculé lui-même ces mesures de hauteur.

Conclusion

Parmi les ouvrages de Laplace, Humboldt s’intéressait principalement aux deux ouvrages astronomiques, à savoir à l’Exposition du système du monde et à la Mécanique céleste. Il y trouvait les informations sur la structure et les lois du monde dont il avait besoin sans être capable de comprendre les calculs de la Mécanique céleste. Il avait avoué ouvertement ce fait. Pour la même raison, il ne s’intéressait pas à un ouvrage purement mathématique comme la Theorie analytique des probabilités. Mais il n’y a pas de doute qu’il ait admiré sincèrement les facultés mathématiques de son contemporain.

L’Exposition abonde en déclarations méthodiques qui influencèrent Humboldt au plus haut degré : « Tout est lié dans la nature, et ses lois générales enchaînent les uns aux autres, les phénomènes qui semblent les plus disparates ».[79] « Un calcul rigoureux et la comparaison de ses résultats avec les observations sont la pierre de touche d’une théorie ».[80] « Les théories mathématiques lient ensemble des phénomènes par des calculs rigoureux »,[81] trois citations qui décrivent aussi le credo scientifique de Humboldt. Humboldt mettait toujours en évidence le rôle des mathématiques dans les études sur la nature. Il voyait son propre rôle comme celui d’un soigneux observateur qui procurait les données à l’aide desquelles un mathématicien comme Laplace pouvait construire la théorie mathématique. Cette théorie restait le but de chaque étude de la nature pour Humboldt même s’il ne pouvait pas réaliser lui-même cette deuxième étape décisive.

 

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Werner, Petra: Himmel und Erde, Alexander von Humboldt und sein Kosmos. Berlin 2004.

Remarque: Une version abrégée de cet article a été publiée dans le journal Electronic Journal for History of Probability and Statistics (<http://www.jehps.net/decembre2012/Knobloch.pdf>) vol. 8, en décembre 2012.

    

Comment citer

Knobloch, Eberhard (2014): Alexandre de Humboldt et le Marquis de Laplace. In: HiN - Humboldt im Netz. Internationale Zeitschrift für Humboldt-Studien (Potsdam - Berlin) XV, 29, S. 26-38. Online verfügbar unter: <http://www.uni-potsdam.de/romanistik/hin/hin29/knobloch.htm>

Permanent URL unter <http://opus.kobv.de/ubp/abfrage_collections.php?coll_id=594&la=de>


 

[1] Humboldt 1869, p. 62.

[2] Humboldt 1993, p. 200.

[3] Ibid., p. 242.

[4] Humboldt 1843, vol. I, p. XIV.

[5] Humboldt 1845-1862, vol. I, p. 95, 145, 475 ; vol. III, p. 269.

[6] Humboldt, Carnet vol. V, f. 120 verso.

[7] Humboldt 1993, p. 246.

[8] Ibid., p. 104.

[9] Ibid., p. 312.

[10] Humboldt 1987a, p. 178s. ; Humboldt 1999 b, p. 234.

[11] Humboldt 1807a, p. VIII.

[12] Humboldt 1994, p. 88.

[13] Laplace 2013, p. 1279.

[14] Humboldt 1987b, p. 48.

[15] Humboldt 1977, p. 31.

[16] Humboldt 1987b, p. 109.

[17] GStA, I. HA, Rep. 76 Vf, Lit. E, Nr. 6, f. 289 = Humboldt 2013, p. 442.

[18] Humboldt 1840.

[19] Humboldt 1977, p. 83.

[20] Humboldt 1840, p. 310.

[21] Humboldt 1977, p. 76.

[22] Pieper 2009, p. 39.

[23] Laplace 2013, p. 796s.

[24] Biermann 1991, p. 99-105.

[25] Harnack 1900, vol. II, p. 334-337, 338-340 (impression partielle).

[26]  Archives de la BBAW I-III-6 f. 147-148.

[27]  Archives de la BBAW I-IV-35 f. 99-100.

[28]  Archives de la BBAW I-IV-35 f. 107.

[29]  Archives de la BBAW I-III-6 f. 153.

[30] Laplace 1835, p. 13.

[31] Henrich 2010, p. 11.

[32] Stevens 1967, p. 416 n° 5671.

[33] Humboldt 1845-1862, vol. I, p. 30 ; Werner 2004, p. 40 ; Henrich 2010, p. 11.

[34] Knobloch 2006, p. 30.

[35] Henrich 2010, p. 75.

[36] Humboldt 1845-1862, vol. V, p. 8.

[37] Humboldt 1845-1862, vol. V, p. 9, 14.

[38] Laplace 1835, p. 296.

[39] Ibid., p. 255, 318, 324, 331, 381.

[40] Humboldt 1994, p. 38.

[41] Ibid., p. 38.

[42] Ibid., p. 19.

[43] Ibid., p. 140.

[44] Ibid., p. 181s.

[45] Laplace 1835, p. 451.

[46] Prophète Daniel 12, 4.

[47] Humboldt 1994, p. 205.

[48] Hahn 2005, p. 142s.

[49] Humboldt, Carnet vol. V, f. 120 recto, 121 verso.

[50] Humboldt 1993, p. 205.

[51] Humboldt 1803.

[52] Humboldt 1993, p. 242.

[53] Humboldt 1987b, p. 109.

[54] Gillispie 1978, p. 348s.

[55] Laplace 1799-1825, vol. I, livre I, p. 107, 110, 105 ; vol. II, livre V, chapitre 5 Des oscillations de l’atmosphère = Laplace 1878-1912, vol. I, p. 120, 123s., 117s. ; vol. II, p. 310-314.

[56] Humboldt 1993, p. 206.

[57] Humboldt 1807b, p. 113.

[58] Humboldt 1807a, p. 93.

[59] Humboldt 1977, p. 76.

[60] Humboldt 1987b, p. 114.

[61] Humboldt 1994, p. 206.

[62] Ibid., p. 50.

[63] Humboldt 1845-1862, vol. I, p. 95, 145, 475 ; vol. III, p. 546s.

[64] Humboldt 1845-1862, vol. I, p. 174, 325, 427 ; vol. III, p. 96s., 269, 519, 524, 550, 552.

[65] Humboldt 1807a, p. X, 87.

[66] Humboldt 1814-1825, vol. I, p. 17, 46, 119, 276, 280, 281s., 284s.

[67] Humboldt 1837, p. 195 ; Humboldt 1853, p. 151, 167, 169.

[68] Humboldt 1845-1862, vol. IV, p. 623.

[69] Oltmanns 1810.

[70] Brand 2002, p. 45.

[71] Ramond 1811.

[72] Oltmanns 1810, p. 283.

[73] Ramond 1811, p. 1.

[74] Ibid., p. 25.

[75] Laplace 1799-1825, vol. IV, livre X, chapitre 4 De la mesure des hauteurs par le baromètre = Laplace 1878-1912, vol. IV, p. 293s.

[76] Ramond 1811, p. 24.

[77] Humboldt 1807a, p. X ; Ramond 1811, p. 286.

[78] Humboldt 1807b, p. 46.

[79] Laplace 1835, p. 377.

[80] Laplace 1835, p. 380.

[81] Laplace 1835, p. 432.

 

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