Gespiegelte Fassung der elektronischen Zeitschrift auf dem Publikationsserver der Universität Potsdam, Stand: 18. August 2009
Originalfassung zugänglich unter http://www.hin-online.de

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Marie-Noëlle Bourguet
Université Paris 7 - Denis Diderot/Centre Alexandre Koyré

La fabrique du savoir 
Essai sur les carnets de voyage d'Alexander von Humboldt

Au côté des instruments qui, en voyage, sur le terrain ou dans leur cabinet, équipent au XVIIIe siècle les observateurs savants de la nature, le carnet, le journal sont des compagnons ordinaires, d’indispensables auxiliaires. "Nulla dies sine linea", répétait le botaniste Carl Linné à ses disciples avant de les envoyer de par le monde.[1] Tous les voyageurs naturalistes de son temps auraient pu reprendre ce motto à leur compte, laissant à Jean-Jacques Rousseau le regret faussement désinvolte de n’avoir pas tenu registre de ses promenades: "D'ailleurs, portai-je avec moi du papier et des plumes?".[2] Assurément, pour tout candidat au voyage, a fortiori dans le cas d’une entreprise savante, s'équiper de papier, de crayons et de plumes était le premier geste, et écrire chaque jour une discipline si bien intériorisée que nombre de voyageurs en font un acte significatif de leur condition. Tel le botaniste André Michaux, qui voyage en Amérique du Nord à la fin des années 1780: "La gelée se fit sentir dès le soir, et après avoir demandé à mon sauvage les noms de plus[ieurs] plantes dans son langage, j'écrivis mon journal au clair de lune."[3]

Si omniprésent soit-il dans les discours et les pratiques des voyageurs des Lumières, le carnet de notes est néanmoins longtemps resté un objet pauvre et invisible, délaissé des historiens des sciences comme des spécialistes de littérature de voyage. Plus exactement, l'intérêt qu'on leur porta fut surtout documentaire. On a pu, par exemple, chercher dans les journaux de Louis-Antoine de Bougainville et de ses compagnons de bord le témoignage de leurs impressions au moment de la découverte de Tahiti, la trace d'une expérience au premier degré, antérieure à toute interprétation ou réécriture. Similairement, c'est à la richesse de leur contenu factuel que les Reisetagebücher d'Alexander von Humboldt ont dû d'être peu à peu tirés de l’ombre depuis la fin des années 1960, en dépit de la difficulté de leur déchiffrement, de leur caractère fragmentaire et des tribulations qu'ils ont connues au cours du dernier demi-siècle. L’historien Charles Minguet y puise des informations pour reconstituer le détail de l’itinéraire de Humboldt en Amérique[4], et l’entreprise de transcription et de publication lancée au début des années 1970 à l’Académie des sciences de Berlin(-Est) par la Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle vise à compléter, grâce aux notes des journaux, la Relation historique du voyage aux régions équinoxiales laissée inachevée par son auteur.[5]

Par-delà la valeur factuelle de leur contenu, carnets et journaux sont le produit matériel, le résultat visible d’une pratique – prendre des notes – dont l'histoire et l'épistémologie restent, elles, peu explorées. Le renouveau des perspectives est venu depuis une quinzaine d’années des études menées dans le champ de l’histoire culturelle et dans celui de l’histoire sociale des sciences. Les historiens du livre et de la lecture ont mis en lumière la longue durée des pratiques qui, entre le XVIe et le XIXe siècle, ont façonné le travail des érudits et des savants, sous la forme de "cahiers d’extraits" et  de "recueils de lieux communs" dans lesquels ils consignaient les notes, citations et observations jugées dignes de mémoire.[6] Du côté de l'histoire sociale et culturelle des sciences, l'intérêt pour la construction des savoirs a conduit à jeter un regard neuf sur des matériaux comme les carnets de laboratoire et les journaux d’observation, afin de mettre au jour les pratiques de l’attention, les processus d’investigation, les voies de la découverte.[7] Toutes ces études invitent à interroger à frais nouveaux et pour elle-même la pratique de la prise de notes et, pour ce faire, à aborder les carnets et journaux savants comme un genre littéraire à part: certes polyphonique, jamais totalement codifié ni discipliné, mais spécifique aussi par les formes d’écriture qu’il met en jeu et l’espace cognitif intermédiaire qu’il dessine. À l’heure où tout repentir sur l’écran de l’ordinateur suffit à effacer le texte précédent comme, aux premiers temps de l’écriture, chaque inscription nouvelle tracée sur une tablette d’argile, les carnets des voyageurs et des savants des siècles passés sont devenus, avec leurs notes raturées et pâlies, des objets historiques à part entière.

Pour une étude des usages savants de la mise en note, les journaux d'Alexander von Humboldt offrent un champ d’investigation exemplaire. Car Humboldt passa sa vie à "observer et enregistrer sans cesse".[8] Si incomplets et composites que soient présentement ses Reisetagebücher, fragiles cahiers que, par souci de conservation, il assembla et fit relier de cuir au soir de sa vie, ils témoignent suffisamment du souci presque compulsif qui poussait Humboldt à jeter sur le papier les données qui pouvaient servir son entreprise.[9] Mettre le monde en notes fut chez lui une manière de vivre et un geste si caractéristique que plusieurs peintres en firent choix pour tracer son portrait à divers moments. En 1806, Georg Friedrich Weitsch dessine le voyageur en naturaliste occupé à décrire une fleur tropicale, une flore ouverte sur les genoux (Fig. 1).

Fig. 1: Friedrich Georg Weitsch, Alexander von Humboldt, 1806. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 1: Friedrich Georg Weitsch, Alexander von Humboldt, 1806. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

En 1812, Karl von Steuben le campe en minéralogiste, appuyé contre un roc de basalte, quelques feuilles de papier à la main, prêt à noter ses observations (Fig. 2). 

Fig. 2: Karl von Steuben, Alexander von Humboldt, 1812. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 2: Karl von Steuben, Alexander von Humboldt, 1812. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 2: Karl von Steuben, Alexander von Humboldt, 1812. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Quelque trente-cinq ans plus tard, une aquarelle d'Eduard Hildebrand montre un Humboldt devenu sédentaire, assis dans son cabinet au milieu de cartes, de papiers et de livres, mais toujours avec un cahier sur les genoux, l'un de ses anciens journaux de voyage peut-être, pour y chercher une information, ajouter en marge une nouvelle note, amorcer un développement (Fig. 3). 

Fig. 3:  Eduard Hildebrand, Humboldt in seinem Arbeitszimmer, 1848. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 3:  Eduard Hildebrand, Humboldt in seinem Arbeitszimmer, 1848. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 3: Eduard Hildebrand, Humboldt in seinem Arbeitszimmer, 1848.Fig. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

En 1859 enfin, l'année même de la mort du savant, Julius Schrader compose un portrait qui semble un résumé imaginaire de son existence: assis au premier plan, comme perdu dans les souvenirs qui toujours le ramènent vers les pentes enneigées du Chimborazo, dessinées dans le lointain, le vieil homme garde un carnet à la main, son crayon prêt à courir encore sur la page ouverte (Fig. 4). 

Fig. 4: Julius Schrader, Alexander von Humboldt, 1859. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 4: Julius Schrader, Alexander von Humboldt, 1859. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Fig. 4: Julius Schrader, Alexander von Humboldt, 1859. Archiv der Alexander-von-Humboldt Forschungsstelle, Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften, Berlin.

Observer et décrire, lire et noter, écrire enfin: tous ces gestes qui traduisent une volonté d’appréhender et de transcrire le monde dans sa globalité font des journaux d’Alexander von Humboldt un observatoire privilégié pour scruter, en acte, les façons qu'eut le voyageur de regarder, de travailler et de penser.[10]

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Une première question est, bien sûr, celle de l'apprentissage. À ma connaissance, Humboldt n'a jamais expliqué quand et comment il apprit à prendre des notes. Si l'acquisition des routines liées à la tenue d'un journal astronomique remonte sans doute à l'année 1797, alors qu'il s'exerçait à l'observatoire de Gotha auprès de Franz Xaver von Zach[11], il est probable qu'il fut introduit bien plus tôt à l'art de lire, de copier, de faire des extraits comme à celui de dessiner, d'abord par les précepteurs chargés de son éducation et de celle de son frère, puis à la fin des années 1780 lors de ses études à l'université de Göttingen, où circulaient des manuels comme celui que composa l'historien Christoph Meiners pour enseigner aux étudiants "comment lire et faire des extraits".[12] Ces "arts de lire", un genre florissant dans l'Allemagne du XVIIIe siècle, s’inscrivent dans la tradition forgée par John Locke dans sa Méthode nouvelle de dresser des recueils.[13] L’accent y est mis sur la dimension personnelle de la lecture: hors de toute grille convenue, il revient à chaque lecteur de sélectionner les sujets qui l’intéressent. Ces conseils, au demeurant, ne se limitent pas au seul registre du lire: voir, entendre, observer sont des activités qui, elles aussi, relèvent d’un protocole fait d’attention, de sélection et de mise en note. John Locke, qui considérait la lecture elle-même comme une forme d’observation, n'hésitait pas à juxtaposer dans ses cahiers des extraits de livres, des notes, des observations météorologiques.[14] Si dans les années 1750, un Johann Joachim Winckelmann s’astreint encore à garder des cahiers différents pour ses notes de lecture (Collectanea) et pour ses observations personnelles (Miscellanea), une telle distinction n'est plus de mise dans les pratiques savantes de la fin du siècle. Georg Christoph Lichtenberg considérait ses "Sudelbücher" – un terme emprunté à la tradition marchande de la comptabilité à partie double – comme des registres dans lesquels "[il] inscrivait tout ce qu'[il] voyait ou ce qui [lui] venait à l'esprit".[15] En 1797, alors qu’il commençait son journal parisien, Wilhelm von Humboldt, l'aîné d'Alexander, exprima une disposition semblable: "Ces pages contiendront de brèves notes sur tout ce que, jour après jour, j'ai vu, appris ou pensé, et qui m'a semblé digne d'être conservé. […] Le classement de mes notes sera simplement chronologique, […] c'est-à-dire dans l'ordre dans lequel j'ai appris, lu ou pensé. À chaque sujet sera […] attribué un numéro de paragraphe spécifique."[16] Il n'y a pas de raison de supposer que son cadet ait reçu une formation différente: chez Alexander aussi – ses journaux le confirment – lire, observer, extraire, noter, écrire relevaient d'une routine quotidienne, qui associait dans un continuum une disposition d’esprit et une gestuelle du corps.

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Dans toute prise de notes, tout spécialement lorsqu'il s'agit d'enregistrer les résultats d’une expérience ou de fixer une observation faite sur le terrain, la question du moment de l'inscription est cruciale. C’est d'ailleurs un leitmotiv des manuels que de décrire l’acte "d'observer et d'écrire" comme s’il s’agissait d’un même mouvement, mettant en jeu le regard et la main de façon quasi simultanée. Ainsi le comte de Berchtold conseille aux voyageurs de "confier au papier tout ce qu'ils trouveront de remarquable, tout ce qu'ils entendront ou liront, et même les sensations que les différens objets produiront sur eux ; il est à propos de le faire sur le champ […] sur un cahier de poche."[17] Dans un laboratoire, explique le chimiste Michael Faraday, il convient que l’expérimentateur garde toujours à portée de main un carnet ouvert, une plume, de l'encre: "Tous les résultats dignes d'être conservés devront être notés au moment où l'expérience est faite, tandis que les choses elles-mêmes sont encore sous les yeux."[18] Des expressions similaires – "sur les lieux mêmes", "à la minute", "à la vue des choses" – reviennent souvent aussi sous la plume d’Alexander von Humboldt, comme pour suggérer cette idéale immédiateté de l’inscription: "J'ai [...] décrit assez régulièrement, et presque toujours sur les lieux mêmes, les excursions vers la cime d'un volcan ou de quelque autre montagne remarquable par son élévation."[19]

Pourtant, derrière la simultanéité proclamée de l'œil et de la main, c’est un processus bien plus complexe, multiforme et souvent décalé dans le temps, que révèlent, à l’examen, les carnets des savants et des voyageurs. Un exemple en est offert par les journaux du naturaliste et physicien genevois Horace-Bénédict de Saussure, qui tint registre de ses courses géologiques et montagnardes de la manière la plus précise et méticuleuse qui soit. Ses calepins, de petit format, étaient généralement divisés en deux parts. La page de gauche servait d'aide-mémoire, où étaient inscrites au crayon de brèves notations précisant l'heure (à la minute près), le lieu, les objets aperçus le long du chemin. Dans un carnet de 1776 relatant le retour d'un voyage d’Auvergne, on lit: "Parti à 6h 53', plaine puis collines, roulés à 7 h 10', puis plaine, ravin, plaine, large ravin roulé, ferrug[ineux], puis plaine et petites collines." La page de droite a été écrite plus tard et à la plume, sans doute le soir à l'auberge, ou peut-être seulement une fois l'excursion achevée: dans cette première mise en forme, les notes se présentent comme une succession de paragraphes numérotés, qui raccordent l'itinéraire à celui de la veille, traduisent les mentions horaires en distance parcourue et insèrent les détails descriptifs dans le fil d'une narration continue. Face à la page précédemment citée, on trouve: "§ 14. Dimanche 3 novembre, Valence à Romans. Nous sommes partis [de l'auberge] à 6 h 52'. — § 15. La plaine que nous traversâmes hier en venant à Valence continue jusqu'à un quart de lieue de la ville, après quoi l'on monte par un chemin coupé dans les cailloux roulés, à une plaine plus élevée dans laquelle on traverse deux ravins, l'un étroit, l'autre large, avec une jolie maison de campagne dans le fond."[20]

Il est rare que les journaux des voyageurs gardent en eux une trace aussi délibérée et contrôlée des étapes d'enregistrement, de sélection et d’organisation qui président à toute mise en notes. Plus souvent, les modalités de ce processus, tout ensemble matériel dans sa forme et cognitif dans ses enjeux, restent inaccessibles à l’enquête de l'historien. L’indice d’une inscription portée sur une page, ou une trouvaille de hasard, peut aider, parfois, à en restituer quelques bribes. Tel le cas de ce feuillet volant, arraché d’un carnet, qui se trouve isolé à la fin d'un volume des journaux de Humboldt (Fig. 5a). 

Fig. 5a:  Tagebuch II/VI, f° 216 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 5a:  Tagebuch II/VI, f° 216 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 5a: Tagebuch II/VI, f° 216 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Il porte une liste de chiffres, tracés à la mine de plomb, que le temps a presque effacés: ces données correspondent à une série d'opérations (mesure de la hauteur méridienne du soleil, observations de la boussole d'inclinaison, oscillations de l'aiguille aimantée) que Humboldt a effectuées au printemps 1805, précisément le "Dimanche 3. Germin[al]", sur la route du mont Cenis, alors qu’il était en route pour l’Italie en compagnie du chimiste français Louis-Joseph Gay-Lussac. Sur ce morceau de papier, Humboldt a transcrit au vol les résultats que Gay-Lussac, sans doute, l'œil rivé sur les aiguilles des boussoles, lui transmettait à haute voix: la figure d’un 7 redessinée en 8, un résultat raturé puis corrigé, des annotations ("b", pour: "bonnes") évoquent les tâtonnements de lecture, les repentirs, les ajustements. Ce n'est qu’une fois arrivés à l'hospice du mont Cenis, ou peut-être quelques jours plus tard, à l'étape de Turin, que Humboldt a recopié à la plume ces résultats, corrections comprises, au bas d’une page de son carnet, séparant d’un trait tiré à la règle les résultats de cette journée d’avec les observations faites deux jours plus tôt à Chambéry[21] (Fig. 5b).

Fig. 5b: Tagebuch II/VI, f° 38 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 5b: Tagebuch II/VI, f° 38 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 5b: Tagebuch II/VI, f° 38 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Ces exemples le montrent: un journal ou un carnet de notes est souvent, sinon toujours, déjà lui-même une retranscription, une mise en forme rétrospective. Il n'est rien de plus insaisissable que la notion même d'une écriture tracée sur le vif et directement à la vue des choses.

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À l’injonction de l'immédiateté répond, symétrique, le souci de fidélité ou d'exhaustivité qui conduit à vouloir mettre sur le papier tout ce qui est digne d'attention: tout se passe comme si "noter" – c'est-à-dire remarquer, prêter attention – et "prendre en note" – c'est-à-dire inscrire, enregistrer – étaient les deux facettes d'une même attitude, adéquates l'une à l'autre. "En [me] livrant [à l'écriture de mon journal], réfléchit Humboldt au début de la Relation historique, je n'avais d'autre but que de conserver quelques-unes de ces idées éparses qui se présentent à un physicien dont presque toute la vie se passe en plein air, de réunir provisoirement une multitude de faits que je n'avois pas le temps de classer, et de décrire les premières impressions agréables ou pénibles que je recevois de la nature et des hommes."[22] Mais, dans le mouvement qui va de la chose observée à la chose écrite, il serait illusoire de voir une projection directe, une sorte de carte à la Borges, où le territoire coïncide avec sa représentation: tout dépend, ici, de l'agenda du voyageur, de la fonction qu’il assigne à ses notes et du type de données qu’il s’agit de mémoriser. Ainsi, pour garder l’exemple du carnet d'Italie, on ne peut qu’être frappé au premier abord par l'absence, dans ses pages, de toute description du paysage, de toute remarque sur la beauté ou le pittoresque du pays: faut-il induire de ce silence que Humboldt ne remarqua rien ou, en tous cas, ne prêta aucun intérêt aux paysages  d'Italie?

Pour répondre à cette question, quelques notes d’un journal plus ancien, qui remontent à l’époque de son séjour dans l'île de Ténériffe en juin 1799, apportent un éclairage intéressant. Première escale de son voyage transatlantique, Ténériffe marqua la rencontre de Humboldt avec un milieu insulaire et tropical, une expérience qu’il se rappellerait comme emplie de jouissance.[23] Curieusement pourtant, son journal garde à peine trace de ses perceptions et de ses impressions du moment. Non pas, observe-t-il dans ses notes, qu’il ait dédaigné de consigner ses sensations parce qu’elles seraient une source de savoir trop imprécise ou peu fiable. Tout au contraire, celles-ci ont été, alors, tellement intenses qu'elles se sont inscrites à jamais dans son imagination, prêtes à être remémorées à tout moment, sans autre support qu’une simple formule – "in lieblicher Bläue" –, suffisante pour contenir comme en condensé la vision du panorama du pic de Teyde se détachant sur le bleu intense du ciel.[24] En revanche, Humboldt s’astreignit durant son séjour dans l'île à consigner des informations sur l’histoire locale, des observations météorologiques et diverses mesures qui faisaient sa routine quotidienne. Ces données étaient des faits qu’il fallait confier à l’écriture, non au souvenir ni à l'imagination: "Dans ces jours là je me suis interrogé sur tant de choses que je vis maintenant dans la crainte de laisser beaucoup se perdre: aussi vais-je transcrire sur le papier le matériau brut uniquement, de manière désordonnée et hâtive."[25]

Cette distinction implicite, entre ce qui exige d’être inscrit et ce qui, pour être gardé en mémoire, passe par d’autres relais que le papier, permet de mieux comprendre le surprenant laconisme de Humboldt dans son journal d'Italie et le fait qu’il ait préféré à l’évocation pittoresque du paysage des commentaires abrupts comme celui-ci: " Les grandes cascades de Tivoli ressemblent fortement à celle de Tequendama. Semblables par la masse d’eau, […] mais Tequendama est en réalité douze fois plus haute."[26] Ou encore, à propos du Vésuve, cette remarque emplie de dérision destinée à l’un de ses correspondants: "Cette colline du Vésuve [n']est auprès du Cotopaxi qu'une astéroïde allemande auprès de Saturne."[27] Dans ces deux notations, un même processus est à l’œuvre: à la description pittoresque s'est substituée une comparaison quantitative qui vise à rendre commensurables le nouveau continent et le monde ancien. Si le principe d’un tel rattachement, fondé sur la comparaison, n'est pas nouveau[28], il n'en est pas moins remarquable que l'étalon de référence choisi soit, ici, non l’antique terre d’Italie mais la nature américaine, comme si son expédition avait changé l’échelle de perception et d’appréciation du voyageur. De fait, toute la course que fait Humboldt en Italie en 1805, quelques mois à peine après son retour en Europe, et par là aussi les notes qu’il a jetées dans son "Tagebuch", sont à déchiffrer dans cette perspective: par la mesure et la comparaison, il s'agit de jeter un pont entre les deux mondes, d’instituer un langage commun, d’inscrire la particularité des lieux dans une vision d’ensemble.[29] Pas plus qu'à Ténériffe, l’importance des observations faites en Italie n'est à juger au nombre de lignes ou de pages qui leur sont consacrées dans le journal, mais plutôt d’après la "densité" de contenu, la capacité évocatrice et la fonction cognitive de chaque note, jetée sur la page en attente d’être lue et, plus tard, mise en œuvre.

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En même temps qu’ils sont des documents qui souvent exigent de l’historien qu’il lise entre les lignes, carnets et journaux offrent un matériau fascinant si l’on veut suivre, en acte, les linéaments du processus cognitif dont ils sont le support matériel et la trace. L’exemple que je prendrai, tiré aussi du journal de 1805, se situe au col du mont Cenis où Humboldt et Gay-Lussac ont séjourné plusieurs jours avant de gagner l’Italie, afin de procéder en  altitude à des expériences sur la composition de l’air atmosphérique, prolongeant celles qu’ils avaient commencées à Paris l’hiver précédent. De ces expériences, le carnet ne contient ni description ni enregistrement détaillé, rien de semblable aux tables d’observations météorologiques et géomagnétiques que le voyageur consigne obstinément au cours des mêmes jours. Humboldt a-t-il laissé cette tâche à son jeune compagnon, meilleur chimiste que lui? Ou, comme le suggère la marque laissée par plusieurs pages qui ont été soigneusement découpées, a-t-il après coup retiré ses notes du carnet pour les confier à Gay-Lussac, lorsque celui-ci a repris le chemin de son laboratoire parisien ? Toujours est-il que le journal comporte une seule mention de leurs expériences, trois courtes lignes jetées au haut d’une page, écrites en français comme si elles étaient l’écho des conversations échangées entre les deux hommes (Fig. 6):

Fig. 6: Tagebuch II/VI, f° 31 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 6: Tagebuch II/VI, f° 31 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 6: Tagebuch II/VI, f° 31 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

"air pris dans un nuage près de la grande Croix du mont Cenis
dans l’eud[iomètre] de Volta: 200 air, 200 hydr[ogène], abs[orption]126,4
air porté de Paris, abs[orption] 126,6. Donc identique."[30]

Tout obscures qu’elles paraissent au premier abord, ces lignes sont passionnantes à interroger sous l'angle épistémologique et historique. Le minimum de détails que Humboldt a choisi de noter suffit à reconstruire le montage de l’expérience et à en scander les principales phases: de l’air pris dans un nuage au haut du col et combiné dans l’eudiomètre de Volta avec un volume équivalent d’hydrogène ; puis le passage d’une étincelle électrique, qui provoque la transformation en eau d’une partie du mélange gazeux ; la même opération répétée avec un échantillon d’air qu’ils avaient apporté de Paris dans une bouteille ; enfin, la mesure du volume absorbé dans la réaction, qui donne un résultat presque semblable à celui de la première expérience. La séquence des phrases, brèves et rapides, laisse apercevoir l’hypothèse que les deux hommes ont cherché à vérifier expérimentalement, à savoir la constance de la proportion d’oxygène contenu dans l’air atmosphérique. Le "donc, identique" qui clôt la note suggère que Humboldt, prompt à généraliser, est alors prêt à tirer leurs observations vers une loi universelle. Gay-Lussac, quant à lui, attendrait près de quatre ans encore, et toutes sortes d’expériences répétées, avant de donner en 1809 une formulation publique à sa "loi sur la composition des substances gazeuses".[31] Pour le jeune chimiste, si cruciale qu’ait pu être l’expérience du mont Cenis, elle n’était qu’un pas encore sur le long chemin de la découverte.

 * * *

Quel éclairage, enfin, peuvent apporter des notes amassées dans un carnet de voyage sur les manières de travailler et de penser de leur propriétaire, sur sa façon d’élaborer des connaissances nouvelles? Contre les philosophes français des Lumières, enclins à voir dans le geste de copier et de prendre en note un acte de compilation stérile, les auteurs germaniques ont, à la même époque, défendu une autre thèse: une fois qu’un érudit ou un savant a sous la main, dûment condensé dans son carnet, l’esprit de toutes les choses qu’il a lues, entendues et observées, il lui est loisible – assure Meiners – de se rendre indépendant de ses sources ; de nouveaux liens, de nouvelles perspectives peuvent lui apparaître ; il peut, en somme, commencer librement à penser par lui-même.[32] Considéré sous ce rapport, l’art de lire, d’observer et de noter devient alors une technique heuristique, un art de l’invention. Dans le cas de Humboldt, pour interroger la fonction cognitive et heuristique qu’ont pu remplir ses journaux de voyage, divers indices matériels, tels que les index, les tables, les titres de rubriques, les liens et les renvois ajoutés en marge, enfin les diverses formes de " couper/coller " que l’on repère au fil des pages, sont des indices précieux: ils aident à apercevoir la façon dont le savant a manipulé ses notes, les agençant ou réorganisant matériellement pour en faire le matériau effectif à partir duquel il travaillait et pensait.[33]

En guise d’exemple, et pour suggérer quelque chose du travail intellectuel à l’œuvre dans la confection et l’usage d’un carnet de notes – sorte de Janus à double face qui regarde à la fois vers le passé: ce qui a été lu ou vu, et vers l’avenir: ce qui est recherché, aperçu –, le journal italien de 1805 me fournira, à propos de Humboldt, un dernier exemple. Il ne s’agit plus ici de mesures ni de chiffres mais d’une série de notes, présentées sous forme de courtes rubriques, que Humboldt a écrites durant son séjour à Rome. Grâce à l’entremise de son frère, qui était alors ambassadeur auprès du Pape, il eut alors l’opportunité de travailler en bibliothèque et d’avoir accès à quelques manuscrits précolombiens présents dans les collections vaticanes – entre autres, un calendrier rituel mexicain, appelé "Codex Borgia" du nom de son dernier propriétaire, le cardinal Stefano Borgia. Plusieurs pages du journal, intitulées "Peintures mexicaines" ("Mexic. Gemälde"), sont dédiées aux pictogrammes coloriés qui composaient ces manuscrits et que Humboldt décrit comme une succession de scènes énigmatiques (Fig. 7). 

Fig. 7: Tagebuch II/VI, f° 15 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 7: Tagebuch II/VI, f° 15 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 7: Tagebuch II/VI, f° 15 recto. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

À propos du codex Vaticanus 3773, il note par exemple: "f°15, un temple entouré par des serpents, […] f° 16, un héros qui assomme un crocodile, […] les enfants les yeux ouverts, le cordon ombilical étiré, f° 36", etc.[34] Pour cet examen, Humboldt n’était cependant pas réduit aux seules ressources de ses yeux: il put consulter le commentaire, alors inédit, qu’avait composé à la demande de Borgia un ancien jésuite réfugié à Rome dans les années 1770, le père José Lino Fabrega. Une étude attentive du journal montre que Humboldt avait l’ouvrage sous les yeux en même temps qu’il découvrait les manuscrits précolombiens, son regard allant et venant, tandis que sa main transcrivait, de l’italien à l’allemand, de façon sélective et abrégée.[35] C’est dans ce va-et-vient entre les pictogrammes et leur commentaire érudit que Humboldt a pu glisser sa propre lecture, sélectionnant les thèmes qu’il jugeait significatifs, avançant une interprétation. Ainsi, en incise de la description du "codex Rios" – une copie faite au milieu du XVIe siècle par un père dominicain[36] –, il suggère des comparaisons avec la mythologie indienne ou grecque ; une liste de dieux aztèques le conduit à observer que les noms évoquent toujours la pluie, le temps ou la météorologie, une remarque qui révèle sa quête d’une explication naturaliste et son souci d’intégrer les exemples de provenance diverse dans une anthropologie générale. De même que le journal lui sert sur le terrain à recueillir des séries de mesures qui, assemblées et comparées, viseront à dégager des lois et des constantes de la nature, de même, à sa table de travail, empruntant à tous les types de sources que ses voyages et ses lectures lui permettent de mobiliser – manuscrits du Nouveau Monde, textes de l’Antiquité, récits de voyageurs, commentaires modernes –, il tente d’ébaucher dans ses notes, par des compilations d’exemples et des jeux de comparaisons et d’analogies, une réflexion sur l’art et la civilisation des peuples du monde.

Le propos n’est, ici, ni de réduire Humboldt au rôle d’un simple compilateur ou plagiaire, ni de le camper dans la posture d’un génie solitaire, seul inventeur de la science qu’il écrit. Il est plutôt de suggérer comment, dans le va-et-vient entre le temps de l’observation et celui de l’écriture, les notes amassées dans le journal ont construit matériellement et intellectuellement une sorte de réduction personnelle du monde, un alias à partir duquel le savant a travaillé pour tenter, à son tour, d’élaborer un nouveau savoir. À ce titre, parce qu’il lui permet d’amasser des informations qui l'autoriseront à comparer le Vésuve et le Chimborazo, la cascade de Tivoli et celle de Tequendama, le calendrier aztèque et celui des anciens Égyptiens, le voyage d’Italie se trouve – avec le carnet qui en enregistre la mémoire et qu’il fréquenta ensuite jusqu’à son dernier jour[37] – au cœur même de l’entreprise intellectuelle du voyageur.

 



Notes

[1] [Linné, Carl von], "Instructio peregrinatoris, quam... sub praesidio... Dn. doct. Caroli Linnaei submittit Ericus And. Nordblad." (1759), in: Caroli Linnaei, Amoenitates academicae, 2e éd., Erlangen: J. J. Palm, 1788-1789.

[2] Jean-Jacques Rousseau, Les Confessions, Raymond Trousson (éd.), Paris:rééd. Imprimerie Nationale Éditions, 1995, t. 1, p. 335, cité dans Philippe Antoine, "Ceci n'est pas un livre. Le récit de voyage et le refus de la littérature", Sociétés et représentations, n° 21, avril 2006, p. 51.

[3] "Portions of the Journal of André Michaux, Botanist, written during his Travels in the United States and Canada, 1785 to 1796. With an Introduction and explanatory Notes, by C.S. Sargent", Proceedings of the American Philosophical Society, vol. XXVI, 1889, p. 47.

[4] Charles Minguet, Alexandre de Humboldt,historien et géographe de l’Amérique espagnole (1799-1804), Paris: F. Maspéro, 1969.

[5] À cette tâche de déchiffrement aride et de restitution patiente, Margot Faak s'est, durant des années, tout entière dévouée. Qu'elle trouve dans le présent essai le témoignage de ma gratitude pour les longues journées que nous avons passées ensemble, penchées sur les notes hâtives et sibyllines du carnet d’Italie d’Alexander von Humboldt.

[6] Voir, pour une mise au point récente sur ce thème, Élisabeth Décultot (dir.), Lire, copier, écrire. Les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIe siècle, Paris: CNRS Éditions, 2003, et le dossier "Focus: Scientific readers", Isis 95, 2004, pp. 420-448 (contributions d’Ann Blair, Jonathan R. Topham, Lorraine Daston).

[7] Bruno Latour, "Drawing things together", dans Michael Linch et Steve Woolgar (éd.), Representations in scientific practice, Cambridge: MIT Press, 1990, p. 54 ; Frederic L. Holmes, Jürgen Renn et Hans-Jörg Rheinberger (éd.), Reworking the Bench: Research Notebooks in the History of Science, Dordrecht: Kluwer Academic Publishers, 2003 ; Peter Becker et William Clark (éd.), Little tools of knowledge: historical essays on academic and bureaucratic practices, Ann Arbor (MI): University of Michigan Press, 2001 ; Anke te Heesen, "Accounting for the natural world: double-entry bookkeeping in the field", dans Londa Schiebinger et Claudia Swan (éd.), Colonial botany. Science, commerce, and politics in the early modern world, Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2005, pp. 237-251. Il faut mentionner le travail pionnier de Howard Gruber sur le processus d'invention à l'œuvre dans les journaux et les carnets de Darwin: Howard E. Gruber, Darwin on Man. A Psychological Study of Scientific Creativity, Chicago: The University of Chicago Press, 2e éd., 1981 et "Going the limit: toward the construction of Darwin's theory (1831-1839)," dans David Kohn (éd.), The Darwinian Heritage, Princeton: Princeton University Press, 1985, pp. 9-34.

[8] Samuel Smiles, Life & Labour, or Characteristics of men of industry, culture and genius, London: John Murray, 1887, pp. 54-56 ("constantly observing and recording").

[9] Neuf volumes rassemblent ce qui subsistait des journaux liés au voyage d'Amérique ; trois autres concernent surtout l'expédition de Sibérie. Sur l’histoire de ces journaux, voir la récente mise au point de Margot Faak, "Die Tagebücher Humboldts", dans Alexander von Humboldt, Lateinamerika am Vorabend der Unabhängigkeitsrevolution. Eine Anthologie von Impressionen und Urteilen aus seinen Reisetagebüchern, Margot Faak (éd.), Berlin: Akademie Verlag, 2e éd., 2003, pp. 21-50.

[10]  L’importance de cette posture d’écriture a été soulignée par Ottmar Ette, notamment dans "La mise en scène de la table de travail: poétologie et épistémologie immanentes chez Guillaume-Thomas Raynal et Alexander von Humboldt", dans Peter Wagner (éd.), Icons-Textes-Iconotexts. Essays on Ekphrasis and Intermediality, Berlin, New York: Walter de Gruyter, 1996, pp. 176-209.

[11] Engelhard Weigl, Instrumente der Neuzeit: Die Entdeckung der modernen Wirklichkeit, Stuttgart: Metzler, 1990, pp. 206-209.

[12] Christoph Meiners, Anweisungen für Jünglinge zum Arbeiten, zum Lesen, Excerpiren, und Schreiben, Hannover, 1789, 2e éd. 1791.

[13] Paru en français en 1688, l’ouvrage est bientôt publié en anglais: New method of making common-place books, London: Greenwood, 1706.

[14] "You write only what is worthy of observation" (John Locke, op. cit., p iv). Sur les liens entre lecture et observation, voir Lorraine Daston, "Perché i fatti sono brevi ?", Quaderni Storici, n.s. 108, xxxvi, 2001, n° 3, pp. 745-770 (758-759).

[15] Élisabeth Décultot, "L'art de l'extrait: définition, évolution, enjeux", dans Décultot, op. cit., pp. 15-18.

[16] Wilhelm von Humboldt, Journal parisien (1797-1799), tr. fr. par Élisabeth Beyer, Paris: Actes Sud, 2001, p 15.

[17] Léopold Berchtold, Essai pour diriger et étendre les recherches des voyageurs qui se proposent l'utilité de leur patrie (1789), trad. fr. Paris: Du Pont, an V-1797, pp. 47-48.

[18] Michael Faraday, Chemical manipulation: Being instructions to students in chemistry, on the methods of performing experiments of demonstration or of research, with accuracy and success, London, 1827, p. 546: "All the results worthy of record should be entered at the time the experiments are made, whilst the things themselves are under the eye." Cf. H. Otto Sibum, "Narrating by numbers: Keeping an account of early nineteenth-century laboratory experience", dans Holmes et al., op. cit., pp.141-158.

[19] Alexander von Humboldt, Relation historique du voyage aux régions équinoxiales, Paris: Schoell, 1814-1825, t. 1, p. 28.

[20] Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Archives H.-B. de Saussure, Ms. 14, carnet 4, cahier 2, "Retour d'Auvergne...", pp. 23-24.

[21] Archiv Schloss Tegel, Alexander von Humboldts Reisetagebücher, Tagebuch II/VI (cité ci-après Tagebuch II/VI), f° 216 (notes sur un feuillet volant) et f° 38 (notes transcrites dans le carnet).

[22] A. von Humboldt, Relation historique, op. cit., t. 1, pp. 28-29.

[23] Alexander von Humboldt, Reise durch Venezuela. Auswahl aus den amerikanischen Reisetagebüchern, Margot Faak (éd.), Berlin: Akademie Verlag, 2000, p. 81: "Sechs Tage lang hielten wir uns auf Teneriffa, […] die genußreichsten Tage meines Lebens, helle Punkte..." Sur ce séjour, voir: Marie-Noëlle Bourguet, "El mundo visto desde lo alto del Teide: Alexander von Humboldt en Tenerife" dans Ciencia y Romanticismo (Symposium 12-14 sept. 2002, Maspalomas, Gran Canaria), José Montesimos, Javier Ordoñez et Sergio Toledo (éd.), La Orotava, Fundación Canaria Oratava de Historia de la Ciencia, 2003, pp. 279-301.

[24] Humboldt, ibid.: "Meine Einbildungskraft wird noch mehrere Jahre warm genug bleiben, um einst ein nicht unvollständiges Bild des Ganzen daraus zusammenzusetzen, um einst andere einen Theil der Freude mitgenießen zu lassen, welchen jene große und dabei so sanfte und milde Natur gewährt."

[25] Humboldt, ibid.: "In diesen Tagen habe ich so viel gesehen, empfunden und erfragt, daß ich jetzt in der Furcht, vieles aus dem Gedächtnis zu verlieren, die Materialien nur flüchtig und ungeordnet niederschreiben will."

[26] Tagebuch II/VI, f° 9 recto: "Grosse Cascade von Tivoli hat manches ähnliche mit Tequendama. Wassermenge dieselbe […], aber Tequendama gerade 12 mal höher!".

[27] Lettre de Humboldt à Marc-Auguste Pictet (Naples, 1er août 1805), publiée dans Ernest-Théodore Hamy (éd.), Lettres américaines d'Alexandre de Humboldt (1798-1807), Paris: E. Guilmoto, 1903, p.196.

[28] Anthony Pagden, European Encounters with the New World. From Renaissance to Romanticism, New Haven, London: Yale University Press, 1993 (en particulier chap. 1)

[29] Pour une étude approfondie du journal d’Italie et de sa place dans l’œuvre en construction de Humboldt, voir Marie-Noëlle Bourguet, Le monde dans un carnet. Le voyage d’Italie d’Alexandre de Humboldt, Paris: Éditions du Félin (à paraître).

[30] Tagebuch II/VI, f° 31verso.

[31] Maurice P. Crosland, "The origins of Gay-Lussac's law of combining volumes of gases", Annals of science 17 (1), 1961, pp. 1-26.

[32] Meiners, op. cit., pp. 91-92: "Man hat gleichsam den Geist einer großen Menge von Schriften in seiner Hand, und ist von den Büchern, die man gelesen hat, und von ihren Besitzern unabhängig. Selbst die Vereinigung von so vielen Factis und Gedanken, als man in vollständigen Excerpten zusammengebracht hat, veranlaßt eine Menge von Combinationen und Aussichten, die man sonst niemahls gemacht, oder erhalten hätte."

[33] Sur le même thème, à propos de la fabrication et de l’écriture de Kosmos, voir: Petra Werner, Himmel und Erde. Alexander von Humboldt und sein ‘Kosmos, Berlin: Akademie Verlag, 2004 (en particulier chap. 5).

[34] Tagebuch II/VI, f° 15 recto: "Cod. Vatican. n° 3776 [sic], […] f° 15, Tempel mit Schlangen umwunden […], f° 26, ein Held der Crocodil ersticht, […] die Kinder, die Augen geöfnet, Nabelschnur ausgezogen, f° 36," etc.

[35] Le commentaire du codex Borgia  a été publié (en italien et en espagnol) à la fin du XIXe siècle, mais le manuscrit en semble perdu depuis: José Lino Fabrega, s. j., "Interpretacion del Codice Borgiano", Anales del Museo nacional de México V (1), 1899. Les paragraphes auxquels renvoient les notes de Humboldt correspondent fidèlement à la numérotation de l'érudit jésuite.

[36] Le commentaire manuscrit de ce codex, consulté aussi par Humboldt, se trouve dans les papiers du jésuite Lorenzo Hervas, à la Biblioteca Nazionale di Roma (Ms. Ges. 1074, f° 301à 357).

[37] Une note que Humboldt a ajoutée dans la marge d’un des derniers feuillets du carnet – "Oxygène à Nocera, Cosmos, IV, 249" – fait référence à un passage du dernier volume de son ouvrage, paru en allemand en 1858, moins d'un an avant sa mort. (Fig. 8).

Fig. 8: Tagebuch II/VI, f° 44 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 8: Tagebuch II/VI, f° 44 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

Fig. 8: Tagebuch II/VI, f° 44 verso [extrait]. Archiv Schloss Tegel, reproduits avec la gracieuse autorisation de Mr et Mme von Heinz.

 

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Letzte Aktualisierung: 11 Januar 2007 | Kraft

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